La Révolution


            En avril 1786, SAINT FELIX prend le commandement de la frégate La FLECHE dans l’Escadre d’Evolution dirigée par d’ALBERT de RION, vieil ami de SUFFREN. Cette escadre, réunissant les meilleurs officiers, sert d’école d'application pour les équipages et, dans une certaine mesure, pour les futurs officiers généraux.  

            Dans ce cadre, il est chargé par le Roi en août 1787 de lutter en Méditerranée contre des pirates qui nuisent au commerce français. Parmis ceux-ci se trouvent des grecs dirigés par le major LAMBRO qui utilisent un pavillon russe "de complaisance" pour bénéficier, grâce à leur statut de corsaire, des accords de paix signés avec la France. LAMBRO dispose de quatre frégates armées de 16 à 24 canons et s'attaque principalement au commerce turcs. Son impunité est vivement dénoncée par la Turquie qui en tient la France pour responsable. Avec La POMONE, superbe frégate de 40 canons, SAINT FELIX dirige comme Chef de Division une flottille comprenant également les frégates L’IRIS et L’ATALANTE, les corvettes  La SARDINE et La VIGNE, et les brick Le ROSSIGNOL et Le GERFAUT qui sillonnent la Méditerranée.  

Port de Itilos (Vitilo)             Quelques mois plus tard, il apprend que Le CLAIRON, bateau de commerce de Marseille chargé de savon et transportant des passagers turcs, a été capturé par un pirate grec, malgré les ordres publiques mais peu sincères de LAMBRO de ne pas s’attaquer aux bâtiments français. SAINT FELIX y voit une occasion de donner satisfaction aux turcs et améliorer les relations diplomatiques et commerciales. Après quelques jours de recherche, il retrouve le corsaire à Vitilo (Itilos), dans la région du Magne, fief des pirates du Péloponnèse. A la vue de l’escadre, celui-ci s’enfonce dans la baie pour être hors de portée de La POMONE qui ne peut s’approcher. L’attaque est donc menée par le Major de Division, le Chevalier de BATAILLE, avec le brick Le GERFAUT et  la grande chaloupe de La POMONE. Le combat est rude et fait 20 blessés et un tué parmi les français. SAINT FELIX libère les prisonniers turcs, récupère le chargement du CLAIRON, saisit les autres bâtiments puis remorque le bateau corsaire en l’exhibant avant d’y mettre le feu publiquement dans la rade de Smyrne. Ce dernier fait d’armes dans le fief des pirates grecs met fin à une longue période d’impunité et procure à SAINT FELIX une notoriété exceptionnelle. A toutes ses escales, La POMONE est saluée dans les ports turcs par sept coups de canon. Les turcs reprennent le commerce avec les ports français, et SAINT FELIX rentre à Toulon le 31 décembre 1788. Il reçoit les plus vifs remerciements du commerce de Marseille, et on lui promet le Cordon Rouge de l’Ordre de Saint Louis. Celui-ci doit lui être remis par Louis XVI à Paris où il se rend en juillet 1789. Cependant, les évènements déterminent le roi à suspendre toute cérémonie. Il ne recevra le Cordon Rouge que beaucoup plus tard.  
 
            SAINT FELIX commande le vaisseau Le TOURVILLE (74)  et la frégate La CYBELE dans l’escadre d’ALBERT de RIONS en 1790, alors qu’un climat d’insurrection gagne le port de Brest où il est basé. La haine de toute supériorité, la contestation systématique de la compétence et l’impossibilité de sanctionner ruinent la marine. De nombreux officiers sont exécutés, et d’autres choisissent l’exil.
 
            En 1791, à la veille de son emprisonnement, le Roi Louis XVI confie à SAINT FELIX, alors qu’il n’était pas encore amiral, le commandement des forces navales de France au-delà du Cap de Bonne Espérance, et de la station des Indes Orientales à l’Ile de la Réunion (Ile Bourbon) pour succéder au comte de MACNAMARA qui avait été assassiné par ses troupes le 4 septembre 1790. Il part de Brest sur la frégate La CYBELE  secondé par  Denis DECRES , futur ministre de la marine de Napoléon 1er, avec les frégates L'ATALANTE et La CLEOPATRE, devant trouver sur place La RESOLUE et La MEDUSE, ainsi que la flûte La BIENVENUE.  Le second de L'ATALANTE est Charles de DURAND-LINOIS.
 
            Sachant que son séjour y sera de longue durée, il acquiert une propriété dans l’île et s’y installe. C’est là qu’il apprend avec un grand retard les évènements de Paris, l’exécution du Roi et la prise du pouvoir par la Convention qui lui confirme sa charge. Il est nommé Contre-amiral le 1er janvier 1792, et Vice-amiral l’année suivante.
 
            Denis DECRES étant nommé Major de la Division, l'Amiral prend pour Second sur La CYBELLE un jeune malouin plein d'ardeur, Robert SURCOUF.
 
            SAINT FELIX est un soldat et respecte les ordres qui lui sont donnés. Il n’a d’ailleurs, sur les évènements que des renseignements très vagues. De plus, il sent que la flotte anglaise de la mer des Indes guette l’Ile de la Réunion, malgré la paix qui semble fragile, et n’a qu’une idée: défendre la position dont on lui a confié la garde.
 
            Il s’assure d’abord de la fidélité de ses équipages « Expliquez-vous, compagnons », leur dit-il, « sans faiblesse et sans ménagement, comme il convient à des hommes libres. Voulez-vous un autre chef ? Répondez ! Je ne cesserai de vous estimer, mais dans ce cas, je cesse de vous commander ». Hommes et officiers lui répondent par des acclamations. Et l’Amiral, rassuré, prend toutes les dispositions pour recevoir les Anglais comme il convient. Hélas, il avait compté sans les ravages que l’esprit révolutionnaire avait déjà exercés dans la colonie.
 
 
            En novembre 91, la frégate de 34 La RESOLUE, dirigée par le Capitaine CALLAMAND, refuse d’être contrôlée par les anglais qui soupçonnent nos navires de transporter des armes à des rebelles indiens opposés aux troupes anglaises. Après 30 minutes de combat où La RESOLUE doit faire face à deux frégates de 40 et déplorer 12 morts et 56 blessés, les anglais s’emparent du bâtiment qu’ils abandonnent quelques jours plus tard à Mahé. SAINT FELIX demande la mise en jugement de l’agresseur et menace les anglais de sanglantes représailles. La cour de Londres lui donnera satisfaction. Mais, informés de l’ultimatum, les équipages de La RESOLUE et de La CYBELE déclarent à l’Amiral que « dorénavant, avec l’Anglais, le matelot breton, assagi par le souffle nouveau, n’admet plus d’autre attitude belliqueuse que la défensive ». Pour calmer les esprits, SAINT FELIX renvoie La RESOLUE en France.
 
             Plus tard, il dégage un bâtiment de commerce, La JEUNE CREOLE du capitaine MARGARO, qui avait été capturé le 5 janvier 1792 dans le port de Callaba près de Bombay par Rayiagi ANGRIA, successeur et probable héritier du célèbre pirate Kanhoji ANGRIA et de ses fils, pourtant ramenés dans le droit chemin par les anglais en février 1756. Après de nombreuses tractations avec ANGRIA, souvent interrompues par des mouvements insurrectionnels de l’équipage de La CYBELE, il enlève le bâtiment de force le 2 février, puis obtient 4 jours plus tard la restitution de sa cargaison.
 
 Pour aller plus loin…
 
 http://echo.levillage.org/298/5843.cbb La Guerre sur Mer pendant la Révolution. Albert de Rions
 

Retour à l'accueil                                                                                       Suivant : Captivité et retour en métropôle