Et LAPEROUSE ?
Le
rapprochement des
carrières de Armand de Saint Félix et de Jean
François de Galaup, dit
Lapérouse, montre de nombreuses coïncidences. Pourtant,
jamais le nom de Lapérouse n'apparait dans les récits
qu'a laissés Saint Félix. Le long travail des
historiens sur l’aventure de Lapérouse permet cependant de
mieux comprendre, par comparaison,
ce que fût la personnalité de Saint Félix et
émettre certaines hypothèses.
Le
château de Cajarc où naquit SAINT FELIX en 1737
est
éloigné de 30 kilomètres du manoir du
Gô à Albi ou est né Jean
François de
GALAUP quatre ans plus tard. Evoluant dans le même milieu de
l’aristocratie
locale, il est très probable que les enfants se
connaissaient, ainsi que
Mengaud de La HAGE et Henri Pascal de ROCHEGUDE.
En 1749, Jean François de GALAUP rencontre à Albi son
célèbre
cousin, le marin Clément de TAFFANEL de la JONQUIERE qui lui
communique sa passion. Une arrière-arrière
grand-mère de Clément de TAFFANEL s'appelait en effet
Lavezonne de GALAUP. Sa grand-mère paternelle
était Angélique de SAINT FELIX, et il est également un proche cousin d'Armand.
Cette même année, Armand de
SAINT FELIX quitte en cachette ses parents et déclare au Roi Louis XV qu’il
veut être marin. Sans moyen pour financer ses études à l’école des gardes de
Marine, Armand est directement nommé à ce grade en décembre 1755. Il se
distingue sur L’HERMIONE avant de pouvoir embarquer sur Le CELEBRE,
commandé
par Clément de TAFFANEL. Il y retrouve Jean François de
GALAUP entré récemment
à l’Ecole des Gardes.
Celui-ci avait reçu de ses parents la seigneurerie de Lapérouse
dont il décide de porter le nom comme, un siècle plus
tôt, Philippe de SAINT FELIX, Seigneur de Lapérouse, qui ne
semble pas avoir eu de descendance.
Le CELEBRE est coulé par les
anglais devant Duisbourg. Après avoir été fait
prisonniers puis échangés, les jeunes officiers
embarquent au Canada sur La POMONE commandée par le Chevalier Charles Henri Louis d'ARSAC de
TERNAY, ami de Clément de TAFFANEL, puis sur Le ZEPHYR.
Leurs chemins se séparent un moment : GALAUP navigue
sur Le CERF, une flûte de 300 tonneaux, puis sur un vaisseau de 80 canons, Le
FORMIDABLE,
qui est capturé par les anglais en 1758 lors de la bataille
de
Belle Isle (des Cardinaux ou de Quiberon Bay). GALAUP est prisonnier
à nouveau. SAINT FELIX participe à cette
bataille sur la corvette La CALYPSO, l’un des sept navires à avoir échappé aux
anglais lors de cette bataille en se réfugiant dans la Vilaine. En janvier 1761, TERNAY et d’HECTOR montent une expédition
courageuse pour extraire les vaisseaux Le DRAGON et Le BRILLANT également
prisonniers de la Vilaine dont les anglais interdisent toute sortie. Lorsqu’ils
s’amarrent triomphalement à Brest, ils sont surpris de voir arriver La CALYPSO, L’AIGRETTE et La VESTALE qui sont parties à leur suite sans préparation ni
assistance. Il est très probable que SAINT FELIX ait participé à ce succès
inattendu.
GALAUP, qui avait repris ses études depuis sa captivité,
embarque sur Le ROBUSTE que TERNAY sort également de la Vilaine. Il l’accompagne
pour une expédition à Terre Neuve. SAINT FELIX continue son service sur L’AIGRETTE et Le NOTHUMBERLAND puis, nommé enseigne en janvier 62, sur La
NORMANDE puis La BALANCE. Ce dernier navire est commandé par le Baron d’ASSAS
qu’il suit ensuite sur L’EXPERIENCE et La NOURRICE.
SAINT FELIX arrive en avril 1770 à l’Ile de France. Le
Gouverneur Général est alors le Chevalier DESROCHES qui lui confie une mission
hydrographique de la plus haute importance. Avec deux navires, SAINT FELIX mène
une expédition à la recherche de l’Ile de Saint Jean de Lisbonne. Il en revient
90 jours plus tard, attendu par Jean François de GALAUP arrivé entre temps sur La BELLE POULE avec son protecteur, le Chevalier de TERNAY, qui succède à
DESROCHES. Cette expédition donne sûrement des idées à GALAUP qui s’en
inspirera quelques années plus tard.
Les deux enseignes de vaisseau, GALAUP et SAINT FELIX, vont encore se côtoyer durant plusieurs années. Nommé Lieutenant de Vaisseau en 1772, SAINT FELIX conduit à
Madagascar l’aventurier BENIOWSKY sur la corvette Le DESFORGES. Les frais
engagés par SAINT FELIX pour cette mission, les vivres et l’équipement des
passagers, ont été particulièrement importants. Il tente d’en obtenir le
remboursement par l’administration de la Marine qui ne lui accorde qu’un
acompte. Il
est soutenu par TERNAY qui déplore sa situation
financière indigne. Malgré cela, SAINT FELIX
refuse les moyens illicites
d’améliorer sa position « non autorisés
expressément mais tolérés »
qui se sont présentés à de nombreuses reprises.
GALAUP n’a pas ces pudeurs et
affiche rapidement un train de vie enviable.
Pour venir en aide à SAINT FELIX, TERNAY le recommande à LAW
de LAURISTON qui lui confie des missions de confiance pour le compte de la
colonie de Pondichery, rétablissant ainsi la trésorerie de l'officier. Il commande alors la
flûte Le COROMANDEL, puis la corvette L’ATALANTE. GALAUP dirige la flûte La SEINE entre 1773 et 1776 pour plusieurs
campagnes en Inde, notamment auprès de Monsieur LAW à Pondichery. Avec L’IPHIGENIE, il effectue également une mission à Madagascar pour évaluer la
nécessiter d’apporter une aide à BENIOWSKY. Il a alors le projet de se marier avec Eléonore BROUDOU,
fille d’un bourgeois aisé de l’Ile de France, mais reçoit un refus sans appel
de TERNAY. Celui-ci présente à SAINT FELIX la jeune Marie Anne du GUERMEUR,
fille du Chevalier de PENHOUET, qu’il épouse en 1775.
Peu après, TERNAY, SAINT FELIX,
GALAUP et MENGAUD de la HAGE, arrivé depuis peu, doivent
rejoindre la France. Ils font ensemble la traversée
sur La BELLE POULE.
GALAUP est à son tour nommé Lieutenant de Vaisseau. En avril
1778, il prend le commandement de la corvette Le SERIN. En juillet, la guerre
éclate suite à l’agression de La BELLE POULE par la frégate anglaise
L’ARETHUSE. GALAUP prend alors le commandement de L’AMAZONE et accompagne une
campagne en Amérique dirigée par DESTAING. Durant cette période, SAINT FELIX navigue sur Le SOLITAIRE,
puis prend part au célèbre combat d’Ouessant comme major de vaisseau sur Le
SAINT ESPRIT commandé par TERNAY. Celui-ci constitue ensuite avec
ROCHAMBEAU une escadre à laquelle se joint GALAUP pour une nouvelle mission en Amérique qui
s’achève à la fin de l’année 80.
SAINT FELIX accompagne Du CHILLEAU sur Le PROTHEE, espérant retourner auprès de son épouse en Ile de France, mais se fait capturer le
23 février 80. Bientôt échangé, il prend le commandement de L’ASTREE, nouvelle
frégate sortant du chantier, pour croiser dans le Golfe de Gascogne. TERNAY, leur protecteur et ami, meurt de maladie en décembre
80. En janvier 81, SAINT FELIX cède L’ASTREE à GALAUP dont L’AMAZONE est trop fatiguée pour une nouvelle traversée. Avec L’AMAZONE, il parcourt
les côtes de France pour préparer une nouvelle expédition dans les mers du Sud.
Nommé Capitaine de Vaisseau en mars 1781, il part enfin pour l’Ile de France où
il rejoint le Comte d’ORVES, bientôt remplacé par SUFFREN. Il ne revient en
France qu’en mai 1784 après une campagne historique, ramenant sa jeune famille
à Maurémont. GALAUP est également promu Capitaine de Vaisseau en mai
1781. Bien involontairement et sans pouvoir y prendre part, il provoque la terrible
défaite des Saintes où de GRASSE est capturé. Il se fait cependant remarquer
par sa combativité, et Louis Philippe de RIGAUD-VAUDREUIL lui confie une
mission dans la Baie d’Hudson de laquelle il reviendra en héro en avril 1783.
La paix revenue, il organise le voyage qui rendra célèbre le nom de LAPEROUSE. Il
quitte Brest avec La BOUSSOLE et L’ASTROLABE le 1er
août. Partant
vers l’ouest, son itinéraire devrait le ramener vers
l’Ile de France avant de revenir en Europe durant
l’été 1789.
Durant cette période, SAINT FELIX est affecté à l’Escadre
d’Evolution, puis mène une campagne remarquée contre les pirates en
Méditerranée. En août 1790, il reçoit du roi Louis XVI le commandement des
forces navales de la France au delà du Cap de Bonne Espérance. En plus de la
confiance qu’il inspire au monarque, il est possible que celui-ci l’ait choisi
pour retrouver LAPEROUSE qu’il connaît si bien. L’ordre est
donné aux vaisseaux
parcourant la mer du Sud de rechercher toutes les informations
possibles. SAINT FELIX quitte Brest le 26 avril 1791, cinq mois avant
l’expédition de Bruny
d’ENTRECASTEAUX et Huon de KERMADEC. Arrivant au Cap, ceux-ci
trouvent un
rapport de l’amiral de SAINT FELIX faisant un premier bilan des
témoignages
reçus, signalant un naufrage possible vers les Iles de
l’Amirauté.
SAINT FELIX est rattrapé par la Révolution à l’Ile Bourbon,
et ne peut mener à bien ses recherches. Menacé de destitution en novembre 93,
il est fait prisonnier en avril 94 et libéré en juillet 95. Pourtant, il
ne rentrera en Europe qu’en 1810 sur la flûte L’ESPERANCE,
et sera capturé une dernière fois par les anglais
au large de Bordeaux.
Qu’espérait-il durant
ces 15 années ? Pourquoi n'est-il rentré en
France qu'en 1810 ?
En 1813, un ouvrage anonyme intitulé
« Découvertes dans la Mer
du Sud » cite le témoignage d’un capitaine
anglais qui aurait recueilli
l’astronome de l’expédition, LEPAUTE-DAGELET.
LAPEROUSE serait mort lors d'un combat opposant les survivants de
l'expédition aux indigènes. On peut penser que cette
nouvelle, dont SAINT FELIX a eu probablement connaissance à
l'Ile de France, l'ai enfin décidé à revenir
sur les lieux de son enfance, au Château de Cajarc.
Amis probablement, rivaux peut-être. Il subsiste de nombreuses
questions sur les aventures de ces étonnants marins. Pour cela, je vous invite
à me faire part à l'adresse suivante des informations complémentaires dont vous
pourriez disposer : olivier.frechet@free.fr.
Retour à l'accueil
Suivant : Les notes personnelles d'Armand de Saint Félix