Suite de la campagne de
l'Inde de l'Escadre commandée par Mr le Bailly de Suffren
à la côte de Coromandel
Du 3 septembre 1782
Le vent
à OSO, joli frais et beau temps. A 5h ¾ du matin, le
Général fit signal d'appareiller. A 6h, j'étais
sous voiles, le vent toujours à OSO, bon frais. J'ai fait route
au SSE sous petites voiles. A la même heure, j'ai eu connaissance
de l'Escadre anglaise sous le vent à nous, à environ 2
lieues, au nombre de 18 bâtiments courant la bordée du SE
au SE ¼ E.
A 6h 5
minutes, signal de former l'ordre de bataille dans l'ordre naturel
n°1. Dans cet ordre, je me trouve chef de file. A 6h 35m, le
Héros a abordé le Petit Annibal. A 7h, ils se sont
séparés, le Héros ayant son bout dehors du
beaupré cassé. A 7h et ¼, signal de se
préparer à mouiller avec une grosse ancre. A 8h, signal
d'arriver tous en même temps sur les ennemis. A 8h ½, le
Général a répété le signal de former
l'ordre de bataille dans l'ordre naturel n°1. A 8h 35m, il a fait
celui à la seconde Division de forcer de voiles, le vent
toujours de la partie au OSO, bon frais.
A 9h,
j'ai pris un clin dans chaque hunier. A 9h 3m, signal à
l'Escadre d'arriver tous en même temps. A 9h 9m, celui de mettre
en panne, les amures à tribord. A 9h 20m, celui de faire arriver
la seconde Division. A 9h ½, signal à toute l'Escadre
d'arriver à l'ESE. A 9h 40m, celui de faire courir l'Escadre en
échéquier, les amures à tribord. A 9h et 50m,
celui de forcer de voiles à toute l'Escadre, et au même
instant celui d'arriver à l'Est tous en même temps. A 10h
36m, signal à l'Illustre de forcer de voiles. A 11h ½,
signal d'arriver à l'ENE. A 11h 40, signal de tenir le vent au
plus prêt, les amures à tribord. A 11H 56m, celui
d'arriver à l'ESE au Vengeur et à l'Annibal. A 11h 55m,
signal au vengeur et à l'Annibal de porter leurs efforts sur
l'arrière garde.
A midi,
la montagne du fort de Trainquemaley me restait à l'O, 2
degrés N, à 6 lieux de distance. La route depuis
l'appareillage me vaut l'Est 2 degrés S. Latitude
observée 2 degrés 84m. Le vent toujours à l'OSO,
bon frais, le temps beau, la mer grosse. Je ne fais que la voile
nécessaire pour donner le temps à l'Orient, mon matelot
derrière, de prendre son poste. A midi et demie, on m'a fait le
signal de forcer de voiles. De fait, j'ai laissé tomber la
misaine et bordé des perroquets. Au même instant, signal
au vaisseau Saint Michel de forcer de voiles. A 1h 8m, signal à
la seconde Division d'arriver, le vent toujours à l'OSO, bon
frais. A 1h ½, signal d'arriver. Il y a des flammes jointes
à ce signal que je ne distingue pas, ce qui empêche de
savoir à qui ce dernier ordre s'adresse.
L'Escadre
anglaise, au nombre de 12 vaisseaux de guerre est très bien en
ligne de bataille, courante au SE, les amures à tribord, le vent
toujours à OSO. A cette époque d'une heure et demie, la
Bellone est venue de la part du Général me porter l'ordre
d'arriver sur les ennemis, de prolonger leur ligne les amures à
tribord afin de la suivre parallèlement pour la combattre vent
arrière si elle voulait combattre, et si elle tenait le vent, de
le tenir comme elle. Après m'être fait
répéter cet ordre dans le porte voix, lequel a
été entendu de tous ceux qui m'entouraient, je suis
arrivé de suite sur le vaisseau de tête ennemi.
A 1h
55m, je me suis rendu à mon poste, bien par le travers du
vaisseau de tête, à une portée de fusil à
balle, bien résolu à ne pas le dépasser, afin
d'obliger la Division à la tête de laquelle j'étais
de former la ligne de bataille à la même distance de la
ligne ennemie que j'en étais du chef de file,
c'est-à-dire à une portée de fusil. J'avais
à cette époque le vaisseau Michel dans mes eaux, le reste
de la Division s'y était presque rendue, et j'attendais l'ordre
du Général pour commencer le combat, mes yeux
fixés sur lui. Quel fût mon étonnement lorsque je
vis mes deux flammes rouges frappées à son bout, avec le
signal de tenir le vent. Je ne saurai exprimer la douleur que j'ai
ressentie. Tout mon monde s'en aperçu.
Après avoir réfléchi un instant, je manoeuvrai
pour mettre à exécution l'ordre du Général,
me persuadant qu'il ne voulait pas combattre de la journée. La
route que je fis m'éloigna, ainsi que ma Division, bien vite
hors de la portée du canon. Cette manoeuvre a remis la Division
dans un grand désordre. Partie des vaisseaux, en tenant le vent
en même temps que moi, m'ont dépassé de l'avant. De
ce nombre, l'Orient, le Petit Annibal et le Sévère, le
reste par mon bossoir, mon travers et ma hauge au vent.
A 2h, signal
au Vengeur et à la Consolante de doubler l'ennemi par la queue.
A 2h 20m, signal à la 3ème division d'arriver. A cette
époque, l'avant-garde était hors de la portée de
canon de l'ennemi. A 2h 25m, l'armée dans le plus grand
désordre, le Général jugea à propos de
commencer le combat, seul moment de la journée où il
devait y renoncer.
Je fis
en vain tous mes efforts pour reprendre le poste avantageux dont il
venait de me tirer, ne pouvant y parvenir attendu qu'à cette
époque, notre avant-garde dépassait celle de l'ennemi. En
jugeant que leur arrière garde devait déborder la
nôtre, je pris le parti pour le bien du service, et sans en avoir
l'ordre, de virer de bord pour aller au secours de notre arrière
garde.
A 2h 55m,
signal d'approcher l'ennemi à portée de pistoles. La
majeure partie de l'Escadre était bien éloignée de
l'exécution de cet ordre à cause du grand désordre
dans laquelle elle était. Je parcouru la ligne, les amures
à bâbord. Pendant cet espace de temps, le signal de virer
de bord à l'avant-garde fût fait par l'Orient. Mais il
était déjà trop tard, car il était 3h 50m,
et à cette époque, le vent avait assez diminué
pour empêcher à la plus grande partie des vaisseaux
à qui cet ordre s'adressait d'exécuter cette
évolution. Moi seul l'ayant prévu, je me rendis à
l'arrière garde. Quel fût mon étonnement lorsque je
vis le Général, le dernier vaisseau de son arrière
garde, déjà fort mal traité. Je fis route pour
aller à son secours avec le projet de me mette entre l'ennemi et
lui. Je me préparai à virer de bord en dépassant
sa poupe, j'avais déjà commencé d'arriver pour
virer vent arrière. Le Général me fit héler
avec un porte voix à plusieurs reprises, mais le bruit du canon
qu'on tirait à son bord m'empêcha de distinguer l'ordre
qu'il me donnait. Comme j'avais commencé la manoeuvre de virer
vent arrière pour me mettre entre l'ennemi et lui, me
hélant à cette époque, je jugeai qu'il ne voulu
pas que je pris ce poste, et qu'au contraire il désirait que je
fis route pour le dégager de 3 vaisseaux qui tenaient le vent et
presque rendus dans ses eaux, avec sans doute le projet de venir le
couper, ce qu'ils auraient pu faire attendu qu'il ne pouvait être
secouru par son escadre qui était à cette époque
fort loin de lui et en calme.
Je fus
s'en balancer sur ces 3 vaisseaux, bien persuadé que je pourrai
être pris par eux, mais ma perte devenait peu de chose si je
parvenais à empêcher le Général d'être
pris. J'attaquais le 1er de ces 3 vaisseaux, le combattis avec assez
d'avantage pour l'obliger d'arriver sur son Escadre. Je courus sur le
second, et le combattis avec le même avantage. Je fus au
3ème qui me résista plus longtemps, attendu qu'il
était de 74. Je finis par l'obliger d'arriver ainsi que les 2
autres vers son Escadre. Je les conduisis en les combattant toujours
jusque dans leur ligne, époque où le jour finissait et
où le combat avait cessé partout.
J'étais pour lors à environ une lieue de l'avant, et sous
le vent de notre Général. Je virai de bord et me ralliai
à l'Escadre que je voyais à peine. Il était pour
lors 6h ¾. A 8h 38m, le Général fit signal de
mettre en panne. N'étant pas encore assez rallié, j'ai
continué à courir sur l'Escadre que je n'ai pu rejoindre
qu'à 9h ½, le vent étant très faible. Nous
sommes restés en panne jusqu'à 5h ½ du matin.
Quand le jour s'est fait, j'ai aperçu le pavillon du
Général arboré sur l'Orient. J'ai fait route sur
lui pour me mettre à même d'aller lui rendre compte. Il a
fait plusieurs signaux avec des flammes que je n'ai pu distinguer. A 7h
½, il a fait signal de mettre en panne, les amures à
tribord. A la même heure, nous avons vu la terre au SO.
A 7h 40m, j'ai
été à bord du Général que j'ai
trouvé de mauvaise humeur et fort soucieux, sans doute sur la
journée d'hier qui, de fort brillante qu'elle devait être,
n'a pas répondu au succès que nous avions droit d'en
attendre. Le Héros a été
démâté de son grand mât à la fin du
combat, l'Illustre a démâté de son grand mât
après le combat, le Vengeur a perdu son mât d'artimon
qu'il a été obligé de couper et le jeter à
la mer attendu que le feu y avait pris d'une force à faire
craindre que le vaisseau ne sauta en l'air. Je n'ai eu dans ce combat
que quatre hommes de tués raide et 20 de grièvement
blessés ; total 24 hommes hors de combat.
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ESCADRE FRANCAISE
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|
ESCADRE ANGLOISE
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|
a
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L'Artésien
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64
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|
Le Sceptre
|
64
|
b
|
L'Orient
|
70
|
|
Le Sultan
|
74
|
c
|
Le Saint Michel
|
60
|
|
L'Exeter
|
64
|
d
|
Le Sévère
|
64
|
|
Le Worcester
|
64
|
e
|
Le Brillant
|
64
|
|
L'Aigle
|
64
|
f
|
L'Annibal ang.
|
56
|
|
Le Superbe
|
74
|
g
|
Le Sphinx
|
64
|
|
Le Monarque
|
74
|
h
|
Le Héros
|
74
|
|
Le Monmouth
|
64
|
i
|
L'Illustre
|
74
|
|
Le Magnanime
|
64
|
k
|
Le Flamand
|
50
|
|
L'Isis
|
56
|
l
|
L'Ajax
|
64
|
|
Le Héros
|
74
|
m
|
La Consolante
|
38
|
|
Le Burford
|
64
|
n
|
L'Annibal
|
74
|
|
|
|
o
|
Le Vengeur
|
64
|
|
3 frégates
|
|
p
|
Le Bizare
|
64
|
|
2 transports
|
|
q
|
La Fortune
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|
|
|
|
r
|
La Bellonne
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Les Vaisseaux Anglois de 74
se battent à 80, et ceux de 64 à 70, dont plusieurs sont
de 32 à leur première batterie.
Le 2 Septembre, l’Escadre françoise
mouillée dans
l'arrière bay de Trinquemaley a eu connoissance au Soleil
couchant de 18 voiles dans le SSE, qui dirigeaient leur Route sur elle,
la Brise du SE au SSE. Le 3 à 2h. du matin, on a vu
distinctement les ennemis en ligne portant la bordée du NE. La
Brise du SO à O, bon frais. A 6h., ils ont viré de bord.
L'Escadre françoise a appareillé en même temps et
s'est formée sur la ligne de Combat- Position N°1.
Les ennemis, à la vue de l'Escadre
appareillée et du Pavillon françois sur les forts de
Trinquemaley ont fait courir largue de 4 quarts pour s'éloigner.
L'Escadre françoise les a chassé et s'est trouvée
à 1h. 50m. dans la position N°2, l'avant garde
françoise et lesVaisseaux de l'avant du corps de Bataille un peu
Eloignés et en désordre.
A 2h.1/2, Signal aux Vaisseaux Le Vengeur et
La
Consolante de doubler la queue de l'Ennemi. Le Bizare, qui était
serre file de la ligne a fait la même manoeuvre qu'eux. L'Annibal
a remplacé l'intervalle qu'avait laissé la Consolante,
son matelot d'avant. Le Général, trouvant sans doute ses
Vaisseaux portés trop en avant pour combattre les Vaisseaux
respectifs de l'Ennemi (qui étaient en bon ordre et
à petite voilure) et croyant faciliter aux Vaisseaux de
l'avant de prendre poste a coiffé toutes ses voiles.
Les Vaisseaux de son arrière, qui étaient à leurs
postes et serrés en ont fait autant. Les deux Escadres
étaient alors au tier de la portée de Canon et ont
commencé le Combat - Position N°3.
La manoeuvre
innatendue de
coiffer toutes les voiles en combattant et
pour laquelle il n'y a point de signaux, n'a pu s'exécuter que
successivement par les Vaisseaux de l'arrière du
Général, ce qui de nécessité a produit la
position N°4 et, pour achever la Confusion qui en devait
résulter, les trois Vaisseaux qui en avaient fait la manoeuvre
de doubler l'Ennemi, ne se voyant pas soutenus, ont rejoint le Corps de
Bataille. Le désordre alors a été complet, les
Vaisseaux par le travers les uns des autres, en paquet au risque de
s'aborder, recevaient tous les Coups de l'ennemi sans pouvoir riposter.
Les plus près ont été
dégréés, et bientôt hors d'état de
faire servir leurs voiles pour se tirer d'une position aussi critique.
L'Illustre est passé à l'avant du Héros, l'Annibal
s'est porté de l'avant pour combattre les premiers
Vaisseaux de la Ligne Angloise qui n'avaient point d'adversaire. Ne
pouvant espérer de Combattre autrement, plusieurs vaisseaux de
l'arrière garde ont aussi cherché à se
Débrouiller.
Par la
manoeuvre qui vient d'être décrite, le Vaisseau
L'Ajax s'est trouvé dégagé et à même
de se tenir à portée du Commandant. L'Escadre s'est
trouvée à 4h. dans la position N°5, l'avant garde
fort éloignée et hors de portée. La brise a
faibli, les Ennemis ont viré de Bord et le Calme est survenu peu
après qui a duré plus d'une heure (ce qui est
ordinaire dans les changements de brise). Pendant
cet intervalle, les
Vaisseaux Le Héros, L'Illustre et L'Ajax ont été
très mal traités par le corps de Bataille et
l'arrière garde Ennemie, et eussent couru du risque si la faible
brise du SE qui s'est élevée n'avait permis à
l'avant garde et aux Vaisseaux de l'avant du Commandant de venir le
dégager.
Le Héros, désemparé de son Grand
Mât et de celui d'artimon, L'Illustre
dégréé, ont été entourés par
le reste de l'Escadre. Les Anglois ont forcé de Voile à
l'Entrée de la nuit et le Combat a cessé à 5h 1/4
- Position N°6. Le Vaisseau
L'Artésien marchant très bien, s'est porté
à la faveur de la Brise au premier Vaisseau de la nouvelle Ligne
ennemie et a combattu jusqu'à la nuit.
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